Mark
Turner : saxophone tenor
Avishaï Cohen : trompette
Joe Martin : contrebasse
Marcus Gilmore : batterie
Avishaï Cohen : trompette
Joe Martin : contrebasse
Marcus Gilmore : batterie
On a pris l’habitude d’écouter Mark Turner sur des
productions ECM. C’est sur le label Munichois que sont sortis les derniers
disques du trio Fly, du quartet de Billy Hart, et le saxophoniste figure sur le
dernier disque de Stefano Bollani (Joy In
Spite Of Everything) ainsi que sur le New
York Days d’Enrico Rava. Mine de rien, Lathe
Of Heaven est le premier disque que Turner sort sous son nom pour la firme
de Manfreid Eicher. Ce qui n’est pas surprenant tant le mode d’expression du
saxophoniste colle bien aux exigences plastiques du producteur.
Mark Turner est un musicien mystérieux. Son jeu semble être
une extension de sa personne, et son écriture une extension de son jeu. Il est
discret, calme, mais son regard est intense. Ses phrases au saxophone ne sont
jamais démonstratives, elles se développent en volutes élégantes, mais son
rapport au son, les notes qu’il va chercher sur l’ensemble de la tessiture
étendue de son instrument participent à la mise en tension de son expression.
Les thèmes qu’il écrit se retiennent ou se chantent difficilement, sont
emprunts d’un lyrisme trouble et constitués de longues notes et de vifs
soubresauts. Mais ces thèmes, qu’il harmonise ici avec beaucoup d’esprit, sont
de fantastiques points de départ pour l’improvisation et participent à donner à
sa musique une ambiance à la fois sombre et chaleureuse. Pas de brillance ici. La
musique de Mark Turner se dérobe sous les pas du visiteur pressé. Elle montre
ses beautés à l’observateur patient.
Le saxophoniste a cette fois opté pour un quartet sans
instrument harmonique, lui qui avait plutôt l’habitude de s’entourer de
musiciens qui enrichissent considérablement la masse sonore, comme Brad
Mehldau, Edward Simon, Kevin Hays ou Kurt Rosenwinkel. Pour autant, la présence
de l’excellent Avishaï Cohen autorise un travail sur l’harmonie plus explicite
qu’au sein du trio Fly. Ce quartet, que complètent Joe Martin et Marcus
Gilmore, est donc une sorte de compromis qui lui permet par son instrumentation
de suggérer l’harmonie comme il aime le faire, tout en la matérialisant par de
subtiles associations de notes avec la trompette.
Le quartet sert avec beaucoup d’à-propos la musique de
Turner. Avishaï Cohen en termes de placement et de développement du propos
musical, propose un parfait complément aux arabesques du saxophoniste. Il préfère
aux cascades de notes des à-plats qui mettent en valeur sa sonorité à la fois
tranchante et veloutée. L’inspiration ne fait défaut ni à l’un ni à l’autre, et
c’est en bonne intelligence que se mettent en place par moments des solos
parallèles, avec deux discours qui restent lisibles sans rogner sur leur
créativité. La section rythmique apporte également du contraste à l’ensemble
puisque les lignes épurées et délicatement chaloupées de Joe Martin se marient
étrangement bien avec le jeu foisonnant de Marcus Gilmore, qui lui n’oublie
jamais de faire chanter ses cymbales. Le quartet dans son ensemble est donc
assujetti à des architectures étonnamment solides aux vues de l’étrange
répartition des masses. Dans ce contexte mouvant et ces effets clair-obscur, la
dimension mélodique est comme diffractée et le fil narratif déroulé doucement,
avec une attention particulière portée à la rétention des évidences.
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