Mike Ladd : Voix, claviers
Carol Robinson : Clarinettes, voix
Dave Randall : Guitare
Dirk Rothbrust : Batterie et percussions
Pourquoi perdre du temps quand on peut aller à l’essentiel ?
Le titre de l’album est probablement la seule question que
se sont posé les quatre musiciens inclassables de Sleeping In Vilna.
Enregistrés en partie en studio mais aussi sur la scène des
Instants Chavirés, les treize petits formats du disque se dégustent à
l’aveugle, comme ça, pour le plaisir de sauter de belle surprise en belle
surprise. Dès le début du disque, la voix ensorcelante de Mike Ladd nous prend
par la main et nous entraîne dans ces chansons qui puisent leurs richesses dans
des influences variées, du Rock au Hip-Hop en passant par la musique
contemporaine, la Pop, l’Electro (ce grand fourre-tout) et bien-sûr le Jazz (ce
super grand fourre-tout). Pour tout dire, l’énumération de ces styles semble
paradoxalement réductrice, puisque c’est justement une musique non-étiquetable
qui nous est proposée, et elle ne fait que puiser dans ce grand réservoir
d’esthétiques les essences nécessaires à l’élaboration du cocktail aux saveurs
acidulées qui nous est servi sur un plateau par le label Ayler Records.
Pas de frontières, pas de limites, pas de contraintes si ce
n’est celle de s’inventer un monde et de le partager… La démarche est belle et
le résultat surprend, déstabilise, puis, rapidement, séduit. Jusqu’à devenir un
album vers lequel on se dirige quand l’envie nous prend de nous rafraîchir les
oreilles avec de l’inhabituel, et force est de constater que l’on ressent un
confort certain en chaussant ces bottes des sept lieues musicales. Tout d’abord
parce que le discours ne se dilue pas dans d’inutiles effets de styles visant l’inouï,
mais aussi en raison des qualités intrinsèques de ces courtes pièces qui ont
des allures de manifestes esthétiques, comme si chaque titre représentait une
bonne occasion de redistribuer les cartes. L’originalité tiens de la
complémentarité des musiciens et de leur ouverture d’esprit, mais aussi de la
diversité des rôles que chacun s’attribue dans le flux des improvisations qui
servirent de matière première à la formalisation de cette suite hétéroclite de
courtes rêveries majoritairement calmes et apaisantes au sein desquelles le
phrasé aérien et minimaliste de Carol Robinson et les guitares flottantes de
Dave Randall tournoient et créent d’inattendus climats éthérés. Ils
inspirent à Dirk Rothbrust des chants de percussions aussi discrets
qu’essentiels, scintillements qui laissent place à des rythmiques plus
soutenues sur les titres enlevés mais aussi sur « Drenched In Us »,
dont la délicatesse n’est pas altérée par la batterie mise en avant. Le titre
accidenté « Past Chaser » se termine par un étonnant solo de batterie
plongé au cœur d’une jungle de sons urbains. Mike Ladd, rockeur-récitant,
rappeur-poète ou slameur-improvisateur, investit chaque morceau et y appose sa
signature vocale, qui mêle douceur et rugosité à la manière de l’écorce.
Le marcheur aimant à se perdre trouvera en cette belle
petite maison de bois un refuge accueillant. Elle constituera, c’est selon, une
étape dépaysante ou une adresse à retenir. Ma promenade m’a conduit jusqu’à
elle. J’y reviendrai pour m’abriter des vents violents.
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