Sébastien Texier : saxophone alto, clarinette,
clarinette alto
Alain
Vankenhove : trompette, bugle
Bruno Angelini :
piano
Frédéric
Chiffoleau : contrebasse
Guillaume
Dommartin : batterie
La création de ce quintet est
l’occasion pour Sébastien Texier de réunir des musiciens avec lesquels il a pu
partager de nombreux moments, et l’on sait que c’est là sa façon de concevoir
un groupe. Commencer par regarder autour de soi, dans son proche entourage ou
ses récentes rencontres, et imaginer les associations permettant de donner vie
à sa musique. Celle-ci, comme un prolongement naturel de son phrasé au
saxophone ou aux clarinettes, dévoile tour à tour ses embardées physiques et
ses parts de rêve. Si cette configuration avec anches, trompette, piano et
section rythmique fit les belles heures des boppers durant plusieurs décennies,
elle est ici envisagée comme une source de moyens à mettre en face d’une
esthétique qui se démultiplie au fil des titres et révèle peu à peu le potentiel
narratif d’un quintet au sein duquel les rôles sont redistribués à l’envi. De
ces contournements naissent des émotions nuancées, et la musique de Sébastien
Texier nous rappelle que chaque chose a son versant baigné de soleil. Alors, au
fil de ces huit compositions, on se souvient d’un musicien sublime à qui
l’on chante, en juste retour des choses, encore un peu de beauté ; on se
laisse envahir par cette nostalgie qui, plus qu’une élégante forme de
tristesse, est une belle manière de ne pas oublier ; on s’enivre de cette
insouciance avec laquelle nos retrouvailles sont toujours une célébration
de ce que l’on ne devrait cesser d’être.
Les compositions sont ici
pensées avec un grand respect pour la mélodie, et celles-ci s’ancrent un peu
plus en nous à chaque écoute. Mais si la notion de thème est claire pour des
titres comme « Song For Paul Motian » ou « L’insouciance »,
l’écriture du saxophoniste enchante également par l’attention portée à la mise
en place, les solistes n’étant pas toujours ceux que l’on croit. Ainsi le riff
qui ouvre l’album, joué par le saxophoniste et Alain Vankenhove, s’avère être
plus structurel que narratif, puisque le magnifique thème est dans un premier
temps interprété à l’unisson par le piano et la contrebasse, avant que les
rôles ne s’échangent dans un ballet savamment orchestré. Plus loin, sur
« Le courage ne fait pas tout », les instruments à vents laissent
flotter une phrase qui met en relief le discours tressé dans l’instant par
Bruno Angelini, Frédéric Chiffoleau et Guillaume Dommartin. « Le jour
d’après » (pièce dédiée aux victimes de Fukushima) bénéficie également
d’une audacieuse construction. On y entend, à travers une expression collective
qui se déconstruit et se durcit, la catastrophe, suivi de la désolation,
subtilement mise en musique par le pianiste et le contrebassiste, et enfin la
reconstruction, le retour à la vie symbolisé par un retour au thème et une
réapparition du rythme. Sébastien Texier se serait bien passé de certaines
sources d’inspirations, mais s’il met des notes tranchantes en face de vies
froissées et de comportements condamnables, il en trouve d’autres, rondes et
positives, pour évoquer les belles choses et les belles personnes, pour faire
de ce disque une célébration autant qu’un acte de dénonciation.
Attentif au message autant
qu’à la forme, Sébastien Texier a su constituer un groupe à même de relayer
efficacement ses intentions, de se les approprier pour donner vie et magnifier
ses idées. Le quintet affiche une synergie qui fait plaisir à entendre, et les
qualités d’expression de ses membres sont utilisées à bon escient, chacun
trouvant au cœur d’un agencement orienté vers le son d’ensemble et la
complémentarité des timbres des espaces propices au développement
d’interventions solistes qui rendent justice au talent des musiciens. Aucun
instrument n’est mis en avant, mais personne n’est sous-employé ; les
solos sont courts et plein de sens, l’improvisation se mêle à l’écriture sans
ruptures ni plans prémédités. Il y a du blues, dans Toxic Parasites. Du bop
aussi. Un tout petit peu de free. Il y a des ballades et des invitations à la
danse. Il y a de la joie, des peines, de l’amour et de la révolte. Il y a de
l’engagement mais aussi de la retenue, de la technique qui devient musique, des
volutes et des angles.
La beauté des thèmes et la
générosité du quintet font de Toxic Parasites l’un de ces disques que l’on
garde à portée de main, car son écoute est toujours réconfortante. Le concert
donné au Sunside il y a quelques jours à l’occasion de la sortie de l’album
confirme qu’il faut compter avec ce groupe solide et inventif, dont on espère
qu’il pourra partager avec le plus grand nombre sa musique, parce que franchement,
elle fait du bien.
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