Cécile McLorin Salvant : voix
Aaron Diehl : piano
Rodney Whitaker : contrebasse
Herlin Riley : batterie
+ James Chirillo : guitare et banjo
J’adore les chansons.
J’adore quand elles sont chantées par des instruments et
j’adore l’idée que les musiciens ressentent le besoin d’en connaître les
paroles. Je comprends le désarroi de Dexter Gordon, assis sur les vieilles
cagettes d’une ruelle sinistre dans Autours de Minuit.
J’adore les chanteuses, aussi. Pas toutes, mais plein.
Bizarrement (ou pas) s’est installée en moi une idée toute
faite, de celles qui troublent parfois notre objectivité (le Blues et le swing, les standards ont été magnifiés par les grandes
dames du jazz. Aujourd’hui, seuls les voix et les univers singuliers
m’intéressent). Comme s’il était interdit de swinguer en 2013. Je remercie
Cécile McLorin Salvant pour me donner de bonnes raisons de confesser ces
mauvaises pensées, et pour me donner tord. Evidemment, si c’est fait avec le
cœur et l’âme, on peut encore chanter à l’ancienne. Je ne me suis jamais posé
ces questions concernant les autres instruments et j’accueille avec bonhommie
l’interprétation de classiques par les jeunes loups. C’est que, comme le jazz
vocal est le genre de jazz que préfèrent ceux qui n’aiment pas trop le jazz
mais qui trouvent ça classe quand-même, on s’arrange pour assaisonner le plat
selon les goûts du chaland. Rien de péjoratif dans mes propos, mais le regret,
formulé à demi-mots, de voir certaines jeunes chanteuses servir de sas de
décompression entre les univers du jazz et de la variété. J ’arrête là ce
discours qui n’est, je le sais, que trop tenu.
WomanChild, donc. J’y trouve ce que j’aime dans le
« jazz-vocal-dans-la-tradition », à savoir une sorte d’évidence qui
relie la chanteuse à ses musiciens, une expressivité qui sert le texte et fait
naître des émotions justes, de l’humour, de la sensibilité. Il y
a aussi dans ce disque des arrangements très modernes, comme celui qui
transfigure « What A Little Moonlight Can Do », avec ses changements
de rythme et ses passes d’armes inattendues ; avec également une
surprenante introduction sur laquelle la chanteuse vocalise comme si le morceau
touchait à sa fin et qu’elle lâchait dans la continuité d’une montée en
puissance ses dernières salves d’énergie. Soit une étonnante construction à
rebours. La chanteuse s’amuse, désinhibée comme un peu plus tôt lors de
l’interprétation théâtrale de « You Bring Out The Savage In Me ».
Le disque débute par un blues au cours duquel Cécile McLorin
Salvant est accompagnée du seul James Chirillo. Histoire d’annoncer la couleur,
de convenir d’un point de départ. La voix de la demoiselle ne sera pas ici
nappée de myriades de cordes. Pas de producteur pop à l’horizon. C’est
délectable, et les morceaux suivants, pour la plupart interprétés avec
l’excellent trio piano/contrebasse/batterie, s’inscrivent tous dans cette
logique, avec cette si belle association de la joie et de la peine, du swing et
du blues, qui, loin de s’opposer, ne cessent de se fondre en une multitude de
nuances.
Le site internet de la chanteuse propose pas mal de contenu,
audio et vidéo. Je vous invite à y faire un tour pour vous faire une idée du
talent de cette jeune artiste qui fait beaucoup parler d’elle en ce moment.
J’en suis ravi.
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