Jean-René Mourot : piano
Bruno Tocanne : batterie
Les chroniques de l’imaginaire du pianiste Jean-René Mourot
et du batteur Bruno Tocanne sont comme des trésors rapportés de plongées
profondes. Des petits coffres faits de bois précieux patinés et de métaux
rugueux qui renferment, pêle-mêle, des sensations, ces souvenirs intangibles,
des matières brutes sculptées par le temps, et quelques images musicales
d’instants partagés.
On peut les imaginer, ces deux musiciens, physiquement
installés dans un studio, et la tête à des lieues. Là où l’on s’accepte, où
rien n’entrave l’échange. La formule piano/batterie, outre qu’elle ne soit pas
noyée de références, est une configuration intéressante car elle permet au
pianiste toutes les échappées, la batterie ne pouvant dresser d’obstacles à ses
explorations mélodiques et harmoniques. De fait le piano est libre, et de cette
liberté nait des élans lyriques et sensuels que la batterie peut soutenir,
souligner, propulser, attendrir, bousculer ou apaiser. Mieux encore, elle les
anticipe, les suggère. Il y a une sorte d’évidence d’ailleurs dans la manière qu’ont
les deux musiciens de communiquer, de donner vie à des pièces travaillées à
chaud en conjuguant la sophistication des développements et la simplicité de
lecture.
La musique du duo est un chant. Souvent, elle part d’une
esquisse autour de laquelle les jeux coagulent, se renforcent et se densifient.
Les explorations ne semblent pas rencontrer d’obstacles et s’épanouissent avec
une égale élégance dans l’épure et la prodigalité. Qu’ils soient contenus dans
un minimalisme porté à bout de bras ou se dispersent à la poursuite de lignes
de fuite multiples, les échangent demeurent marqués par une profonde musicalité
projetée horizontalement, par opposition aux tâtonnements et à la recherche d’évènements
qui constituent souvent dans la musique improvisée une autre forme de beauté.
Cette façon de concevoir l’impromptu, qui requiert pour les
musiciens beaucoup d’attention et de minutie, confère à l’écoute les bienfaits
cumulés du lyrisme et de l’inopiné. Le pianiste et le batteur subjuguent par
leur capacité à faire usage de leurs moyens sans éroder la spontanéité des
flux. Dans un dialogue constant, le piano délivre une quantité pléthorique de
phrases et de mouvements harmoniques tandis que de la batterie émanent des
rythmes foisonnants et poétiques. Avec assurance, délicatesse, goût et humilité,
Jean-René Mourot et Bruno Tocanne nous offrent huit pièces aussi belles que
touchantes. Ce très beau disque paraît sur l’excellent label Momentanea.
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