26 janvier 2016

Jean-Baptiste Boussougou et Henri Roger – Mourim







Jean-Baptiste Boussougou : contrebasse, oud, ngoni, ney, piano à pouces, boîte à tonnerre, effets
Henri Roger : piano, guitare, effets


Oh là là, que cette rencontre est belle !

C’est Jean-Baptiste Boussougou, que je découvre avec délice, qui en est l’initiateur. Quelle riche idée de convier Henri Roger pour converser librement autour de compositions du contrebassiste-mais-pas-que.

Il y a une sorte d’évidence dans la manière qu’ont les deux musiciens de faire rentrer en résonnance leurs univers respectifs. Leurs cultures, devrais-je dire. Cela tient probablement à ce que l’un comme l’autre ont le souci de la projection de leur musique, du rapport de leur jeu au silence. Boussougou, dans toute sa contemporanéité, ne cherche pas à gommer ses racines, et son jeu (sur les différents instruments) comme sa voix évoque les rythmes et les chants du continent africain, avec selon les plages un groove qui invite à la danse, où une épure dans le chant qui renvoie aux scansions nocturnes. Henri Roger, lui, est habitué à effleurer le silence, à y porter des éclairages. Mais il sait aussi l’emplir, le charger, y déverser des torrents de notes. Tous deux connaissent quoi qu’il en soit sa valeur, et c’est la première chose qui interpelle à l’écoute de Mourim. Nulle saturation ici, mais un échange serein entre deux musiciens aux idiomes différents dont on perçoit cependant un lointain lien de parenté, de par le continent dont ils sont originaires, probablement (Jean- Baptiste Boussougou vient du Gabon et Henri Roger d’Egypte), mais aussi de par la musique qu’ils jouent et son histoire. Les racines sont communes, même si tous deux ont emprunté, dans l’arborescence, des trajectoires différentes.

Les deux musiciens proposent des interprétations très libres de compositions de Boussougou basées sur des musiques traditionnelles. A partir de ce point de départ, Henri Roger a improvisé, apposé ses propres couleurs, avec un propos autant impressionniste qu’aventureux. Jean-Baptiste Boussougou reste quand à lui garant de la mélodie et de la pulsation des morceaux (terme que je n’utilise pas pour son allusion percussive, mais parce qu’il désigne un mouvement vital). Il utilise des instruments différents en fonction des idées qu’il a à exprimer. Si cela apporte de la diversité en matière de sons, de timbres et d’expression, le propos reste centré et cohérent.  

Il faut entendre avec quelle justesse le pianiste tisse des trames harmoniques inattendues derrières la flûte (ney) aérienne et poétique de Boussougou sur « Zirk ». Il faut écouter la contrebasse battre comme si elle était le cœur du piano sur « Prends-moi dans tes bras », les développements naturels qui dénotent une profonde empathie sur « Brise lunaire », la beauté hypnotique de morceaux axés sur des motifs répétitifs comme « Retour » ou « 4NP », le charme sableux de « Peul » ou « Mourim ». Il faut se laisser happer par cette musique façonnée conjointement par deux conteurs qui alternent avec beaucoup de goût les instants suspendus et les prises de risques. 

C’est très beau, de bout en bout. Mourim signifie « Avec cœur », et l’intention était à travers ce disque de véhiculer des sentiments positifs, de parler d’amour, de tolérance, de paix. C’est ce qui jaillit constamment de cette musique, interprétée avec tendresse mais non dénuée d’aspérités. On a bien besoin en ce moment de bonnes intentions et de bonnes vibrations comme celles-ci.

Vous pouvez vous procurer cet album sur le site du label IMR/ Facing You. Il est de ceux qu’on n’est pas pressé de ranger sur l’étagère…

Voici une courte vidéo de présentation:

 

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