10 octobre 2017

Orchestre National de Jazz - Europa Oslo

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Maria Laura Baccarini : chant
Hans Petter Blad : textes
Alexandra Grimal : saxophone ténor
Jean Dousteyssier : clarinettes
Hugues Mayot : saxophone alto
Fabrice Martinez : trompette, bugle
Fidel Fourneyron : trombone
Théo Ceccaldi : violon
Olivier Benoit : guitare et compositiopns
Sophie Agnel : piano
Paul Brousseau : Fender Rhodes,  claviers
Sylvain Daniel : basse
Eric Echampard : batterie





Chapitre 4 – Oslo
Où il sera question d’un vol manqué, de resserrement, d'explosifs et de poésie. 

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Cet ONJ restera l’un de ceux qui aura su le mieux représenter une ouverture d’esprit dont on devrait pouvoir toujours se targuer. L’aventure n’est pas finie et de belles choses restent à venir, mais Oslo clôt le périple européen de l’orchestre, une visite exaltante de  plusieurs capitales dont les lignes et les mouvements, l’architecture et la vie, ont été mises en son par (ou sous la direction artistique de) Olivier Benoit.

La Norvège est l’ultime destination. Juste avant il y a eu un passage par Rome, mais malheureusement je n’ai pas décollé. Mes Camarades Franpi, sur Citizen Jazz, et Denis sur son blog ont pourtant fait étal de leur enthousiasme, et ce sont deux témoignages qui m’incitent à croire que je referai ce voyage, tout seul, plus tard, et regretterai de ne pas être parti avec tout le monde.

Qu’à cela ne tienne, depuis, l’ONJ est reparti en goguette, et cette fois  j’en suis. C’est d’ailleurs avec un plaisir intense que je retrouve cette belle équipe, avec un nouveau répertoire qui exploite le collectif de manière très différente de Paris ou Berlin, alors qu’Olivier Benoit en signe toutes les compositions. L’idée cette fois a été d’associer le verbe à la musique, en incorporant, ou plutôt en construisant les compositions autour de textes de Hans Petter Blad chantés/ interprétés par Maria Laura Baccarini.

L’orchestre, qui réexpose toute la démesure de sa richesse en véritable usine à timbres et à couleurs, en fabrique de pièces anguleuses qui s’imbriquent miraculeusement, est cette fois souvent employé pour offrir au chant un écrin luxueux où l’on retrouve toute l’inventivité du compositeur et tout le talent des membres du groupe. L’enjeu était probablement là : réussir à conserver l’originalité et la force du propos collectif, mais ne pas étouffer les chansons. L’équilibre trouvé fait de ce disque une belle réussite. Le propos est plus centré, les espaces plus nombreux, il y a moins d’informations que sur les deux premiers volets, mais l’identité sonore est préservée, les ressources sont à nouveau exploitées avec intelligence, qu’il s’agisse des interventions solistes ou des jeux d’ensembles.  Il y a là un travail remarquable sur les textures et les ambiances, avec une écriture raffinée qui tire partie des forces en place : les instruments à vent et le violon déploient de magnifiques tissus harmoniques, la rythmique constituée des excellents Sylvain Daniel et Eric Echampard reste souvent figée dans des motifs obsédants avant de se libérer en de furieuses mises en tension, les pianos et claviers contribuent à la l’élaboration d’une toile de fond assez sombre, intangible, sur laquelle se détachent les rythmes, motifs et lignes de chant.

La chanson est toujours considérée comme une colonne vertébrale autour de laquelle se déploient de superbes ornements, des introductions séraphiques, des solos, des épisodes survoltés, des passages en apesanteur, des jaillissements... Le tout en un entremêlement de parties instrumentales où l’orchestre tourne à plein régime et d’autres où il porte intelligemment le chant.

Difficile position que celle de Maria-Laura Baccarini, qui a l’allure d’une petite fille assise sur un baril de poudre. Une petite fille qui joue avec ses allumettes, embrase l’explosif et danse avec allégresse dans le souffle de la déflagration. Sa justesse, son placement, et sa manière d’habiter les textes, d’habiter Oslo, assurent une cohésion totale à l’ensemble. Elle ne craint pas l’explosion, elle l’attend. Elle n’a pas peur du vide, mais le provoque en sautillant sur l’arrête qui l’en sépare. Sur « Sense That You Breathe »,  après une plongée subite dans l’obscurité, on perçoit la buée du souffle de Maria, juste avant le démarrage d’une rythmique très rock sur laquelle viennent se greffer le souffle d’Alexandra Grimal et les motifs superposables propres à l’écriture d’Olivier Benoit. L’orchestre laisse de la place, l’espace est moins saturé, et l’alchimie jazz/rock est parfaite quand le chant démarre.

Plus que jamais, cet ONJ joue de tous les contrastes, les griffures sont nombreuses et attestent d’une intacte exigence. Ce qu’illustrent les impressionnants incendies rythmiques de « Intimacy », ou les rapports sont passés en poussant dans les tours, « Ear Against the Wall » où le solo très coloré de Paul Brousseau augure une montée en tension décoiffante, et encore l’audacieuse construction narrative de « Glossary ».

Une fois encore, une place est aménagée pour chaque membre de l’orchestre, et la qualité des interventions solistes ne se dément pas ici. Le phrasé nerveux d’Hugues Mayot sur « A Sculpture Out Of Tune », l’élégance aérienne de Théo Ceccaldi sur « Ear Against The Wall », les lignes serpentines de Jean Dousteyssier, la poésie de Fabrice Martinez sur l’instrumental « Det Har Ingenting a Gjore », la complicité du guitariste et de Sophie Agnel en introduction de « Intimacy » ou encore la chaleur du souffle de Fidel Fourneyron sur « An Immoveable Feast » sont autant de motifs de réjouissance.

Après la miniature « Pleasures Unknown », merveille de retenue et de subtilité, l’orchestre revient pour un baroud d’honneur qui rappelle les pièces enlevées de Paris et Berlin, une signature sonore qui restera le symbole de la réussite de l’entreprise Européenne d’Olivier Benoit, que l’on quitte à regrets sur cette ultime et renversante escapade scandinave. Merci pour tout.

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