28 septembre 2018

Rémi Gaudillat et Jean-Philippe Viret – D’une aube à l’autre






Rémi Gaudillat : trompette, Bugle
Jean-Philippe Viret : contrebasse



Outre qu’il met en évidence la poésie dont sont empreintes les musiques respectives des deux musiciens, le titre du disque parle aussi d’un éternel recommencement et des promesses qu’il induit. L’idée même de s’exprimer en duo dans une formule trompette/contrebasse, aussi rare que complexe, montre l’envie d’explorer des aires expressives inédites, et de faire sienne la limitation de moyens pour mieux délivrer un langage nécessairement conditionné par la gestion de l’espace.

On sait les deux musiciens attentifs à la teneur mélodique de leurs compositions, on connaît leur capacité à développer des improvisations voyageuses autour de leurs thèmes. Les entendre trouver un champ lexical commun est une surprise, mais surtout un présent. Le programme est constitué de neuf compositions de Rémi Gaudillat, d’une pièce de Jean-Philippe Viret auxquelles s’ajoutent deux courtes improvisations durant lesquelles l’abstraction fait de fugaces apparitions. Certaines mélodies font ici peau neuve, et c’est avec grand plaisir que l’on retrouve des titres qui nous avaient déjà enchantés sur de précédentes réalisations, comme « Mapocho » ou « En friche », issus du bouleversant Canto de multitudes paru sue le Petit Label, « Rien en face », présent sur Le chant des possibles, ou « Frémissement », qui clôturait le magnifique In a Suggestive Way du compère Bruno Tocanne. Comme ces deux derniers et beaucoup d'autres pépites, D'une aube à l'autre se trouve sur le site du passionnant label IMR (Instant Musics Records).

Si la réussite d’un duo peut entre autre être liée à la capacité des musiciens de permettre à l’autre d’exister sans le contraindre, et à ainsi trouver non pas une voie médiane, mais une possibilité d’invitation mutuelle à la floraison, cette rencontre est le lieu d’une mise en commun de deux univers complémentaires. Rémi Gaudillat et Jean-Philippe Viret partagent évidemment un état d’esprit, un goût pour la poésie et l’engagement, mais montrent avant tout ici que leurs langages sont parfaitement compatibles et ils s’adonnent à un dialogue dont l’évidence et la limpidité pourraient effacer l’exigence de cette formule ascétique.

D’autant qu’à l’effusion ou les effets de masse sont privilégiées l’épure, les lignes mélodiques claires et la sensibilité. Les deux hommes déploient une conversation équilibrée où les rôles s’inversent à l’envi, même si les postures naturelles de l’un et de l’autre dirigent le plus souvent la fonction d’accompagnement vers la contrebasse et celle de la voix vers la trompette. Pour autant, la contrebasse de ce grand mélodiste qu’est Jean-Philippe Viret ne cesse de chanter. Elle divague, prend ses distances, effleure les lignes mélodiques des thèmes. Elle les joue, les étire, les sublime tandis que la trompette, qui ne rechigne pas à prendre à son compte une pulsation suggérée, chemine en méandres.

On est happés d’un bout à l’autre de ces beaux échanges intimes, le long d’une quarantaine de minutes ou tout est musique et durant lesquelles se conjuguent à l’évidence un engagement total dans le jeu et une profonde humilité.

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