Théo
Ceccaldi : Violon
Guillaume Aknine :
Guitare
Valentin
Ceccaldi : Violoncelle
... Et nous voici de retour chez le Tricollectif.
Après avoir succombé aux charmes de Walabix, c’est entre les
cordes mêlées du trio de Théo Ceccaldi que je m’en suis allé flâner, avec par
devers moi toutes les attentes que l’on peut placer dans une formation aussi
peu répandue, en dépit d’un grand nombre de disques, souvent très réussi
d’ailleurs, qui marient le jazz à la musique de chambre, élargissant encore la
sphère esthétique d’une musique de plus en plus indéfinissable. Qu’attend-t-on
d’ailleurs d’un tel disque ? De l’inattendu justement, de l’espace, des
matières, des textures, on attend probablement aussi les harmonies soyeuses des
quatuors tout en se demandant dans le cas du présent album comment les cordes
grattées viendront souligner ou perturber leurs cousines frottées et pincées.
Tous les attendus sont là, surtout d’ailleurs ceux que l’on n’avait pas
envisagés, et la relation qu'entretiennent le violon et le violoncelle avec la
guitare est à la fois solide et ouverte, basée sur une écoute constante et une
complémentarité surprenante en terme de sonorité.
Le trio de Théo Ceccaldi est caractérisé par une répartition
équitable du champ d’expression, chaque instrument étant alternativement
utilisé pour soutenir ou exposer, si bien que l’expression galvaudée de
« triangle équilatéral » trop souvent et à tord utilisée pour parler
des formations avec section rythmique me semble ici tout à fait appropriée. Imaginons
ce triangle entouré d’un cercle sur lequel serait montée une caméra effectuant
une rotation ininterrompue et frôlant à tour de rôle chaque angle, faisant sur
lui la mise au point tout en conservant dans son champ les deux autres, floutés
ou nets quoi qu’en léger retrait, selon l’effet désiré. C’est ainsi que la
musique est jouée dans Carrousel, en fonction des mouvements d’une caméra
imaginaire qui en capte toutes les interactions.
Ce mode de jeu à la fois très spontané et exigeant sert une
musique au sein de laquelle tournoient les thèmes, les échappées belles et les
petites discussions. L’écriture ciselée et aérée des mélodies est en elle-même
une source de réjouissance. Les morceaux étonnent par leur liberté de ton, par
la maturité avec laquelle ils ont été pensés. Le fait qu’une large place soit
laissée aux respirations permet au trio de s’emparer de cette matière première
pour partir dans de lumineux développements. Deux titres totalement improvisés
donnent une autre vision de la réalisation collective. Qu’elle soit concise et
brûlante sur « Gros sur la patate » ou doucement mise en place sur
« Melenchology », cette musique de l’instant est chargée d’insolence.
S’y exprime, derrière une forme peut-être abrupte, une grande sensibilité que
l’on retrouve formalisée ailleurs, comme sur les très beaux et mélodiques
« Odette » ou « Cocube ». De nombreuses influences
parsèment les onze morceaux de Carrousel, et si l’on se réjouit de retrouver
dans cette musique chatoyante des influences venues de tous bords (valse,
musique classique ou contemporaine, rock…), c’est avant tout la manière dont
elles ont été digérées et utilisées pour colorer une esthétique singulière qui
enthousiasme. Est-ce à cette délicieuse irrévérence que fait allusion le titre
« Blouse blanche et blouson noir » ? Les trois musiciens sont
assurément de savants voyous ; ils nous embarquent dans une virée durant
laquelle toutes les audaces sont permises, des changements d’énergies
imprévisibles de « Tiding Ting » aux ambiances paysagées serties d’un
lyrisme poignant de « Objets lumineux ».
La prise de son, au plus proche des instruments, met de
surcroît en valeur la finesse du jeu de chacun, saisissant toutes les petites
subtilités inhérente au langage musical mais également aux « sons
collatéraux », ces accents qui naissent de l’engagement du musicien et de
son rapport physique à l’instrument. Cela contribue à rendre vivante cette
œuvre musicale dont je vous recommande chaleureusement l’écoute.
Vous pouvez vous procurer ce très beau disque sur le site du
label Ayler Records, ou via le site du Tricollectif, revigorant collectif dont
je reparlerai prochainement à l’occasion d’une chronique d’un autre album
remarquable, celui de Marcel et Solange.
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