Yaël Miller : Chant
Julie Campiche : Harpe, Chant
Manu Hagmann : Contrebasse
Roland Merlinc : Batterie
Après Tales, un premier disque très réussi à travers lequel
le quartet nous présentait son petit monde, Orioxy revient avec un second album
un peu différent mais tout aussi passionnant. Entre temps le batteur a changé
et le jeu mélodique et aéré de Roland Merlinc n’est pas étranger au
dépouillement minimaliste dont le groupe fait preuve tout au long des neuf
compositions originales de The Other Strangers. Le groupe tout entier semble
s’être recentré sur l’écriture et l’interprétation de chansons à proprement
parlé, qu’elles soient instrumentales (les deux compositions de Julie Campiche) ou articulées
autour de textes chantés par Yaël Miller, à qui l’on doit le reste des
morceaux, dont une mise en musique de poèmes de Heinrich Heine.
Les motifs de la harpe, les lignes profondes de la
contrebasse et les rythmiques épurées et majoritairement binaires de la
batterie s’imbriquent et participent à l’élaboration méticuleuse de climats
envoûtants qui mettent en valeur la belle voix de Yaël Miller. La place laissée
par les instruments, qui se contentent de dire l’essentiel, permet à la
chanteuse de donner vie à des interprétations subtiles dont la sensibilité
culmine à mon sens sur les morceaux chantés en Hébreu. Julie Campiche, dans la
continuité du remarquable travail effectué sur le premier album, fait naître de
sa harpe des motifs répétitifs et colorés joués en accords ou arpèges. Ses
notes cristallines s’émancipent durant le chorus céleste dont elle orne
« Tfila/ Ben Azra », mais son approche ascétique, aux antipodes des
cascades de notes auxquelles on associe trop souvent son instrument, est un
élément essentiel du son d’ensemble, léger et dépaysant. Manu Hagmann et Roland
Merlinc privilégient quand à eux un recours aux sons graves, le premier par
l’intermédiaire de longues notes boisées et chantantes, le second par
l’utilisation fréquente des toms graves de sa batterie. Tous deux joignent
leurs pleins et leurs déliés pour écrire une partition rythmique mise à nue par
un souci évident de minimalisme, ce qui rend d’autant plus efficace leur
pulsation ondulante et régulière. La cohésion de leurs rythmes n’est pas
entravée, au contraire, par les contrastes induits par leurs jeux. La batterie
est souvent mélodique, narrative, et se fixe sur des temps marqués de façon
carré et puissante tandis que la contrebasse est toute en rondeur, en notes
traînantes qui groovent doucement. La somme de tout cela, c’est une musique
unique et raffinée, qui prend le temps de se développer au sein même des
morceaux, à l’image de cette rythmique qui enfle sur « We’re Done – May
21 »ou du riff de contrebasse voluptueux qui vient se poser sur le motif
de harpe de « Zman » et en épouse la mélodie en la joignant au
cadencement de la batterie.
The Other Strangers nous apporte la confirmation que les
membres d’Orioxy ont beaucoup de choses à dire, de belles histoires à raconter.
Le fait qu’ils le fassent sans effets clinquants, dans la nudité d’une
narration qui se passe aisément de démonstrations instrumentales ou vocales,
est une preuve, s’il en fallait une, que ce groupe atypique s’inscrit dans une
démarche où seul prime le rendu collectif. Ces neuf petites pièces
inclassables, délicatement ouvragées, sont autant de bonnes raisons de se
plonger, ou de se replonger, dans l’univers décidément charmant d’une formation
qu’il faudra continuer à suivre, et notamment sur scène.
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