Elise
Caron : chant, flûte
Roberto
Negro : piano, composition et direction artistique
Frederico
Casagrande : guitare
Théo
Ceccaldi : violon, alto
Valentin
Ceccaldi : violoncelle
Nicolas Bianco : contrebasse
Xavier Machault : textes
… Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’œufs.
Oups, pardonnez-moi, je rembobine. Il faut la prendre dès le
début, cette histoire, car il n’y en a pas tant que ça des romances aviennes,
malgré les valses.
Il s’agit donc d’une love story à plumes pour laquelle
Roberto Negro en a utilisé deux, des plumes, la sienne pour la musique et celle
de Xavier Machault pour les textes, et pas moins de 112 cordes, toutes
sensibles. Il y a les cordes vocales d’Elise Caron, et toutes celles que les
musiciens grattent, frappent, frottent et pincent, soit un sextet qui développe
un jeu luxuriant que l’on se retiendra de définir comme chambriste malgré la
douceur qui s’en dégage majoritairement. Parceque le pianiste joue ça et là au
percussionniste en coinçant différents objets dans le ventre de son instrument.
Parce que le guitariste envoie un riff clairement rock sur
« Champagne ». Parce que les frères Ceccaldi et Nicolas Bianco développent
un jeu si mouvant qu’une chambre ne saurait le contenir. Parce que la guitare
dispense par ses effets des atmosphères brumeuses et électriques, où se
déversent parfois des parties solistes modérément figuratives.
La musique, pareille aux pensées de l’aimant et de l’aimé,
peut tout aussi bien être de velours que perdue dans une tempête d’incertitude.
Roberto Negro a intégré dans l’écriture de cette suite de nombreux styles musicaux
qui se marient fort bien puisque toutes les configurations partagent comme
dénominateurs communs un premier degré mélodique qui provoque l’addiction de
l’auditeur et une cinématique maîtrisée jusque dans ses moindres détails. Le
bel instrumental « Comme dans un livre d’Erri de Luca », porté par un
thème lyrique et développé sereinement autour d’un motif de piano, l’illustre
bien.
Romantique ou parnassienne, la chaotique idylle nous est
contée par l’intermédiaire de phases de vies, drôles ou pesantes, que le charme
des textes de Xavier Machault rend d’autant plus poétiques qu’ils sont chantés,
déclamés, joué, dits, murmurés par Elise Caron avec une dimension théâtrale qui
sied à merveille à son style, au carrefour des possibles.. Autour d’elle et des
histoires d’oiseaux se met en place une délicate machine à transformer les
émotions en notes. D’où je suppose la sensibilité qui se dégage d’un titre
comme « Bicyclette », baigné d’un humour délicat. Les instants de
flottements, où les oiseaux se cherchent, se déclinent en parties musicales
mystérieuses, comme sur « M’avez-vous dit vous ? », rendu
mystérieux par un jeu et un son très travaillé de Frederico Casagrande comme
par la façon lascive qu’a la chanteuse de déclamer d’un air détaché les jeux de
mot du texte. Les archets de Théo et Valentin Ceccaldi rendent quant à eux la
« Bal(l)ade volée de Birdy So » onirique et aérienne. Dans « Toi,
moi, oie », Negro met en scène ses personnages dans une scène burlesque
qui se transforme, dans l’humour, en ode à l’amour décloisonné (« Trois
menus s’il vous plaît, Madame est avec nous ! »). « Champagne » est un autre moment
fort. Après une intro vaseuse diqne des plus belles gueules de bois, un violon se
pointe, au discours titubant et à l’articulation pâteuse. Un riff de guitare
Stoner apparaît en fond, puis fait au fur et à mesure monter la pression, le violon
s’intensifie à mesure qu’Elise Caron chante la perdition rageuse. Le piano
appuie les accords puis entraîne le groupe dans une abstraction qui clôture le
morceau. Il y a ces épisodes durant lesquels l’amour est fragile comme de la
porcelaine. Et d’autres durant lesquels il semble inébranlable. C’est ce que
les fleurs et leurs enivrants parfums viennent nous rappeler à trois reprises
par le biais d’une composition déclinée de trois manières, jusqu’au « Un
grand bouquet » final, happy end sucré et rassurant de cette histoire
farfelue.
Et ils vécurent heureux , disais-je, et eurent beaucoup d’œufs.
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