Théo Ceccaldi : violon, alto
Roberto Negro : piano
Valentin Ceccaldi : violoncelle
Adrien Chennebault : batterie et objets
Roberto Negro : piano
Valentin Ceccaldi : violoncelle
Adrien Chennebault : batterie et objets
Lors des dernières soirées tricot à la Générale, Florian
Satche présentait ce groupe en rappelant que son nom était une référence à un
célèbre club de jazz situé à Milan… Plaisanterie qui en dit long sur
l’ambigüité qu’entretiennent ces musiciens, ou du moins sur la double culture
dont est imprégnée leur musique savante contemporaine chargée d’improvisation.
Bon, que les choses soient dites. Il faut aller voir La
Scala en concert. C’est une vraie claque et un gros concentré de bonheur, de
beauté. C’est à la fois raffiné et décoiffant, envoûtant et déstabilisant.
C’est grave parfois, mais c’est drôle aussi.
Je découvre ce disque, pour lequel le Label Ayler Records
renouvelle sa confiance aux trublions du Tricollectif, après avoir goûté par
deux fois à leurs prestations live. J’y retrouve le raffinement qui m’a tant
enthousiasmé, ainsi que leur volonté d’aller loin dans leur démarche. Quand
c’est beau c’est très beau, quand c’est écrit c’est bien écrit, quand c’est
improvisé ça part loin, et quand ça tabasse ça tabasse sec. Et tout cela au
cœur des morceaux, qui vivent, bougent, évoluent. Il suffit pour s’en
convaincre d’appuyer sur play. Le premier morceau de l’album
« Zapoï », la pièce la plus longue, met l’auditeur dans différents
états. Logique en un sens, puisque le Zapoï est une pratique courante en Russie
consistant à s’assommer par l’alcool après en avoir ingéré une grosse quantité
en peu de temps. Le morceau, sorte d’équivalent contemporain au
« Heroin » du Velvet Underground, est construit selon une succession
d’étapes qui pourrait bien être basée sur ce mode d’accès à l’oubli. La
flânerie désabusée du violoncelle qui l’entame, le spleen un peu tendu des
lignes de violon qui s’y joignent évoquent le désarroi. Puis la musique coagule
jusqu’à la mise en place d’un riff plusieurs fois répété, comme le geste de
l’homme qui lève le coude, puis le fait encore. La tension s’accentue à mesure
que le riff se transforme, se durcit sous l’attaque des archets, ou les vapeurs
d’alcool. Quand, tout à coup, tout s’efface à l’exception du piano qui reprend
à son compte ce riff, en le jouant avec douceur. Le buveur est sur un tapis de
ouate, dans une réalité qui n’appartient qu’à lui. Condition recherchée,
certes, mais non sans conséquences. L’alcool abrutit, abime, et la musique
s’effiloche, se perd dans un torrent d’abstraction. Mise en musique, cette
fuite d’un quotidien probablement trop dur devient une histoire poignante, et
la musique a ce ton si difficile à trouver des bons livres qui traitent avec
légèreté de sujets graves. On boit cul-sec ces onze minutes de musique comme des
morts de soif, et tant mieux pour l’ivresse.
Et après, la casquette ? Non, une courte
« Enjambée » et l’on repart de plus belle.
Tant mieux, il nous reste bien des choses à entendre. Des
parties lyriques, des entremêlements de cordes, des rythmes chantants, des
walking bass vagabondes, des accès de colère et de soudains gestes tendres. Le
quartet (quatuor ?) peut dans tous ces registres mettre à son actif un jeu
collectif puissant et serré, à l’origine d’une force de frappe qui porte les
intentions individuelles de fort belle manière. Et nombreuses sont les
situations qui mettent en exergue le jeu des uns et des autres. On citera,
parmi les bribes survivant aux écoutes chahutées, un solo pris par Roberto
Negro sur une rythmique martelée (« 2eme service »), qui le voit virevolter
autour du tempo, avant que des phrases de violon ne viennent s’infiltrer en son
propos pour pousser le quartet dans ses derniers retranchements free, jungle
sonore épaissie par une sorte de faux-bourdon du violoncelle, et un jeu
foisonnant de batterie, de courtes ponctuations venant juste donner à l’auditeur
une petite seconde de répit. Il y a ce rythme étrange qu’entretiennent Adrien
Chennebault et Valentin Ceccaldi sur « Coucou Hibou », et qui met en
relief l’intensité qu’y amènent les deux autres. Il y a ces courtes parties
jouées en duo, durant lesquelles, au sein d’un morceau articulé autour d’un
motif obsédant (« Free Dots To Pax Part 1 »), Théo et Valentin
Ceccaldi, puis un peu plus loin Roberto Negro et Adrien Chennebault conversent
en toute liberté, comme pour offrir au magnifique thème du morceau d’inattendues
possibilités de fuite. Il y a encore, et je terminerai là-dessus car l’album à
plus à dire que moi, Les lignes mélodiques du piano et du violon qui oublient
un temps la mise en place simple et sautillante , à moins qu’ils ne lui
emboitent le pas facétieusement, de « Nous n’irons pas en Disco Club ce
soir ». C’est bien dommage d’ailleurs. C’eut été l’occasion de boire un
coup à la santé de ce disque un peu fou. Ah oui, pardon, peut-être avons-nous
déjà trop bu. Alors, pour la forme, Salud !
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