22 octobre 2016

Guillaume Aknine, Jean Dousteyssier et Jean-Brice Godet – Harvest





Guillaume Aknine : guitare, banjo, harmonica
Jean Dousteyssier : clarinettes, harmonica, guitare
Jean-Brice Godet : clarinettes, harmonica, guitare, radio



Cela fait 44 ans que le parfum exhalé par Harvest entête les mélomanes. Il est, comme ça, des disques dont on sait qu’ils ne se terniront jamais. Le trio réuni par Guillaume Aknine, qui assure la direction artistique du projet, n’a pas pour ambition d’en livrer une relecture, mais plutôt de chercher à évoquer ce parfum par effluves, en s’attachant non pas au répertoire, dont seuls deux morceaux sont cités, mais en livrant une réflexion sur le personnage, ses processus de création, son esthétique.

Les principaux éléments de la musique d’Harvest sont isolés et sculptés indépendamment comme des pièces soigneusement ouvragées afin de faciliter leur assemblage. Cela commence par trois harmonicas qui installent la musique dans un territoire inédit, la sonorité chaleureuse et l’ambiance « feu de camp » étant mis au service d’un propos non figuratif. La folk apparaît de manière fantomatique, comme de fugaces formes traversant un songe. Puis la guitare fait surface, indocile et portée par des clarinettes qui explorent d’audacieux territoires harmoniques, en miroir des ambiances créées par l’orchestre symphonique de Londres dans l’œuvre originale. Peu a peu la musique prend forme, sans que jamais elle ne soit décidée, ou définitive. Le trio avance, trouve sa voie malgré l’absence de repaires. Au long de cette errance en deux parties, Neil Young est cité, évoqué. Invoqué ? Peut-être… Le trio joue du non dit, à contre-sens de la beauté formelle des chansons qui nourrissent son cheminement. 

A mesure que les contours de la musique de Neil Young sont crayonnés, sa forme se révèle. Et c’est seulement à partir de la moitié de la seconde partie, après d’engagées circonvolutions, qu’apparaissent des silhouettes familières. Celle de « Words (Between The Lines Of Age) », jolie lecture simple et profonde de ce thème sur lequel vagabondent les clarinettes de Jean Dousteyssier et Jean-Brice Godet, puis, comme un aboutissement, celle d’ « Harvest », jouée à trois guitares et servie par un magnifique arrangement minimaliste.

L’attachement au sens de la musique et le rejet des routes toutes tracées sont communs au Loner et au trio. Au début de la seconde partie, Jean-Brice Godet joue avec magnétophone et radio en faisant surgir pêle-mêle extraits du disque et extraits d’interviews. On entend Neil Young préciser qu’il n’aspire pas à faire la couverture des magazines people, ou encore confesser à Antoine De Caunes qu’il n’écoute plus de soft rock californien, mais qu’il s’intéresse à la New Wave, en précisant qu’à ses yeux le terme est erroné puisque cette musique représente en réalité une continuité. En utilisant les propres paroles du canadien, le trio fait sa déclaration d’indépendance, et susurre à son aîné, avec tout ce que l’innocence a de poétique : Old Man, take a look at my life, I’m a lot like you…

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