Guillaume Aknine : guitare, banjo, harmonica
Jean Dousteyssier : clarinettes, harmonica, guitare
Jean-Brice Godet : clarinettes, harmonica, guitare,
radio
Cela fait 44 ans que le parfum exhalé par Harvest entête les
mélomanes. Il est, comme ça, des disques dont on sait qu’ils ne se terniront
jamais. Le trio réuni par Guillaume Aknine, qui assure la direction artistique
du projet, n’a pas pour ambition d’en livrer une relecture, mais plutôt de
chercher à évoquer ce parfum par effluves, en s’attachant non pas au
répertoire, dont seuls deux morceaux sont cités, mais en livrant une réflexion
sur le personnage, ses processus de création, son esthétique.
Les principaux éléments de la musique d’Harvest sont isolés
et sculptés indépendamment comme des pièces soigneusement ouvragées afin de
faciliter leur assemblage. Cela commence par trois harmonicas qui installent la
musique dans un territoire inédit, la sonorité chaleureuse et l’ambiance
« feu de camp » étant mis au service d’un propos non figuratif. La
folk apparaît de manière fantomatique, comme de fugaces formes traversant un
songe. Puis la guitare fait surface, indocile et portée par des clarinettes qui
explorent d’audacieux territoires harmoniques, en miroir des ambiances créées
par l’orchestre symphonique de Londres dans l’œuvre originale. Peu a peu la
musique prend forme, sans que jamais elle ne soit décidée, ou définitive. Le
trio avance, trouve sa voie malgré l’absence de repaires. Au long de cette
errance en deux parties, Neil Young est cité, évoqué. Invoqué ? Peut-être…
Le trio joue du non dit, à contre-sens de la beauté formelle des chansons qui
nourrissent son cheminement.
A mesure que les contours de la musique de Neil Young sont
crayonnés, sa forme se révèle. Et c’est seulement à partir de la moitié de la
seconde partie, après d’engagées circonvolutions, qu’apparaissent des
silhouettes familières. Celle de « Words (Between The Lines Of
Age) », jolie lecture simple et profonde de ce thème sur lequel
vagabondent les clarinettes de Jean Dousteyssier et Jean-Brice Godet, puis, comme
un aboutissement, celle d’ « Harvest », jouée à trois guitares
et servie par un magnifique arrangement minimaliste.
L’attachement au sens de la musique et le rejet des routes
toutes tracées sont communs au Loner et au trio. Au début de la seconde partie,
Jean-Brice Godet joue avec magnétophone et radio en faisant surgir pêle-mêle
extraits du disque et extraits d’interviews. On entend Neil Young préciser
qu’il n’aspire pas à faire la couverture des magazines people, ou encore
confesser à Antoine De Caunes qu’il n’écoute plus de soft rock californien,
mais qu’il s’intéresse à la New Wave, en précisant qu’à ses yeux le terme est
erroné puisque cette musique représente en réalité une continuité. En utilisant
les propres paroles du canadien, le trio fait sa déclaration d’indépendance, et
susurre à son aîné, avec tout ce que l’innocence a de poétique : Old Man, take a look at my life, I’m a lot
like you…
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