David Enhco : trompette
Roberto Negro : piano, Rhodes
Florent Nisse : contrebasse
Gautier Garigue : batterie
C’est un réel plaisir de retrouver le quartet de David
Enhco, dont le premier album, La horde, avait mis en lumière les nombreuses
qualités. Layers prend sa suite et nous montre que le quartet est une formation
en devenir, puisqu’on mesure très vite l’envergure qu’on prit les discours
individuels et leur somme. Ce disque est concentré, dense, chaleureux.
L’inventivité dans leurs développements improvisés sied à l’élégance des
compositions. Non, vraiment, c’est du beau boulot. Voir un beau disque comme
celui-ci porter la référence 001 d’un label (Nome) créé par ces jeunes musiciens
qui ont tant à dire est de fort bon augure. Confirmation sera donnée
prochainement avec la seconde référence du label, dont il sera inévitablement
question ici.
Sans succomber aux charmes des comparaisons faciles, je ne
peux m’empêcher de penser à un disque que j’ai eu le plaisir de chroniquer pour
Citizen Jazz, celui de Flash Pig, groupe qui partage avec le présent quartet sa
section rythmique, excellente de part et d’autre. Il y a ici cette même
appétence pour la pulsation explicite et un égal sens de la dramaturgie. Moi
qui goûte peu d’une manière générale les solos de batterie, je salue celui de
Gautier Garrigue sur « Rude And Gentle », un beau morceau apaisé qui
se transforme sans trop qu’on s’en aperçoive en concerto pour batterie. Cette
prise de parole, humble, délicate et inspirée, est un parfait pendant aux
propositions rythmiques, plus ou moins appuyées, entre ternaire sautillant,
feulements atmosphériques et binaire martelé, des autres titres. Parler
d’entente télépathique entre un batteur et un contrebassiste est un lieu
commun. Tant pis, j’y vais. C’est le cas ici, tout fonctionne, et le
raffinement des lignes de Florent Nisse, invariablement chantantes, se muent
parfois en solos remarquables, qui à leur tour redeviennent accompagnement, en
replongeant au plus profond de la composition pour en assurer l’ossature.
L’enchainement des prises de parole sur « Keep It Simple » l’illustre
bien. Nisse s’y exprime en soliste puis développe un jeu d’une grande amplitude
tandis que le piano, puis la trompette, se succèdent sans temps morts et dans
une logique de continuité.
David Enhco adopte l’attitude du leader tranquille. Tout au
plus s’autorise-t-il à introduire en solo absolu le titre «In Waves »
qu’il livre ensuite en pâture à un groupe affamé qui propulse la composition à
coups de rythmes vindicatifs et d’accords charnus joués au Rhodes, ou à
interpréter, comme s’il chuchotait au creux de notre oreille, une magnifique
version du standard « Nancy With A Laughing Face » en duo avec le
contrebassiste. Ailleurs, c’est avec un souci de la préservation de l’expression
collective qu’il s’exprime, suffisamment pour nourrir la musique de son chant,
mais en prenant soin de ne pas occuper inutilement l’espace. Ses interventions
lyriques privilégient l’idée à la surenchère bavarde. Ce refus de systématiser
sa présence, où plutôt cette capacité à s’effacer confère au disque sa
légèreté, ainsi qu’une relative concision. Le sens de la retenue est une
qualité qu’il partage avec Roberto Negro. Le pianiste, dont on sait qu’il ne
boude pas les contextes extrêmes ou décalés (cf La Scala ou sa superbe Loving Suite pour Birdy So, entre autres jolies réalisations), joue ici de façon plus
posée qu’avec ses comparses du Tricollectif, mais avec une identique exaltation.
Il est à l’origine d’un important travail de fond (mouvements harmoniques,
motifs circulaires et contrepoints), et donne à ses solos les délicieux accents
dont son jazz est nourri, entre bop, musique contemporaine, pop et musique
savante. C’est à partir de ce cocktail
qu’il dynamite « Séquence », un titre énergique qui conduit l’auditeur
vers un « Epilogue » aérien. Mais qu’on se rassure, il ne s’agit pas là d’une
fin. Ce n’est en fait que le commencement. Et ça c’est très bien.
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