Chris Cheek : saxophone ténor
Jakob Bro : guitare
Maxime Sanchez : piano
Florent Nisse : contrebasse
Gautier Garrigue : batterie
Jakob Bro : guitare
Maxime Sanchez : piano
Florent Nisse : contrebasse
Gautier Garrigue : batterie
Quelques semaines seulement après la sortie du disque Layers
de David Enhco qui faisait l’objet du précédent post, le label Nome présente sa
seconde référence, le premier disque sous son nom de Florent Nisse. Ce disque
ne cache pas son jeu. Au premier coup d’œil, on sait à quoi s’en tenir. Le jeu
de mot de son titre ainsi que la présence dans le line up de deux musiciens qui
accompagnèrent à de nombreuses occasions Paul Motian laissent penser, à juste
titre, que c’est dans le giron esthétique du batteur américain que se situera
la musique. Auteur des notes de pochettes, Guilhem Flouzat évoque également Charlie
Haden et Bill Frisell, deux artistes qui ont manifestement nourri la musique de
Florent Nisse et de se ses complices.
Motian, Haden, Frisell, ces joailliers, ces magiciens… C’est
merveilleux d’entendre les jeunes musiciens d’aujourd’hui s’approprier leur
musique avec tant de naturel et de talent. Car ce disque, si vous ne l’aviez
pas encore compris, est une de ces petites perles qu’on souhaite à tout le
monde de découvrir. Pourtant, le pari était osé… Pensez-donc ! Faire un premier
disque avec une majorité de titres calmes, atmosphériques, en préserver l’indispensable légèreté
malgré la présence de deux instruments harmoniques, accueillir et aménager une
place importante à deux invités de marque tout en assurant une dynamique
collective… On peut imaginer conditions plus simples. C’est au prix de cette
audace que les dix morceaux qui composent ce recueil se hissent à un tel niveau
d’excellence. La musique coule, circule magnifiquement. Parfois elle se
densifie, notamment sur les titres plus rythmés comme « H Code » ou
« Intrépide », parfois elle s’aère, s’étiole même, jusqu’à ce qu’un
simple fil mélodique ne sépare l’auditeur des abîmes du silence, ce qui confère
à « Ombre et brouillard » son charme mystérieux. Quelques accords
égrainés à la guitare sur fond de grelots, un solo de contrebasse suspendu,
poésie de l’infiniment simple. La capacité du quintet à trouver un juste milieu
entre le « jeu plein » et le minimalisme est une réelle force. La
musique est posée, mais chargée de cette intensité que savent générer
les groupes quand leur propos collectif est régi par un interplay subtil,
parfois presque imperceptible. Les notes sont choisies, les interventions
toujours mesurées, toujours utiles. Il faut dire que le socle du quintet est
une équipe soudée qui se connaît bien puisqu’on retrouve aux côtés du
contrebassiste Gautier Garrigue et Maxime Sanchez, qui font partie des heureux
fondateurs du jeune label, et qui font la route ensemble dans différents
contextes, mais notamment avec Flash Pig. La famille, quoi. A cette base
indéboulonnable viennent s’ajouter deux musiciens sublimes : Jakob Bro et
Chris Cheek.
Le guitariste danois partage bien des choses avec Bill
Frisell, d’ailleurs. Notamment du temps, puisqu’il joue régulièrement avec lui
au sein de ses propres projets. Bro fut un des guitaristes de l’Electric Be Bop
Band de Motian, et le batteur fit également partie de son groupe, celui qui
enregistra le très beau Balladeering, un album tout en finesse que je trouve
proche par sa qualité et sa poésie du présent disque. Mais au delà des
rencontres et des collaborations, il y a une forme d’évidence : Bro est un
héritier de Frisell. L’un des seuls à mon sens qui sache si bien faire
s’envoler par delà l’atmosphère terrestre les lignes de Blues. Mes propos
croisent ceux de Guilhem Flouzat mais vous ne vous en rendrez compte que quand
vous tiendrez entre vos mains cette belle galette : le solo du guitariste
sur « H Code » est fantastique, simple, chantant et aérien. Bro est
partout mais sa présence est discrète. C’est en parfaite intelligence qu’il
noue son jeu à celui de l’excellent Maxime Sanchez. Tous deux sont à l’origine
d’un impressionnant travail de fond. Je note au passage que le pianiste,
instrumentiste raffiné, s’illustre une fois encore par la qualité de son
écriture, tout comme Nisse. Signées de l’un ou de l’autre, les compositions
sont très belles et recèlent de savoureux mouvements harmoniques, comme une
maison d’architecte riche en fenêtres à ouvrir. Elles semblent en tous cas
inspirer Chris Cheek, qui impose avec une autorité tranquille un son qui laisse
rêveur, charnu, ample, rond, chaleureux. Son phrasé est à l’avenant, un modèle
de jeu non précipité, où chaque prise de parole est une histoire, contée avec
passion mais sans théâtralité abusive ni excès de vitesse. Tout cela est
subtilement porté par Nisse et Garrigue, que je me garderai bien de comparer
aux figures tutélaires évoquées. Parce que j’occulterais dès lors la part d’eux
qui, indéniablement, contribue à donner à cet hommage ses allures de pierre précieuse.
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