Gabriel Lemaire : saxophones, clarinette
Yves Arques : piano
De l’eau, la nuit…
L’eau qui se tait, ou s’exprime. La pluie sur l’eau étale. Clapotements,
bulles, flux et reflux. Gouttelettes et leurs ondes. Vagues à lames. Courants
et perles, de la source à l’océan.
Et la nuit, qui porte ces sons.
Je ne sais plus trop finalement si ce disque est beau parce
qu’il est triste ou s’il irradie parce qu’il est sombre. Alors, pour ne pas trop me tromper, j’évoque.
J’évoque ces souffles, très présents, qui parfois se
timbrent pour laisser émerger des mélodies de lune. Ces cris qui déchirent le
silence et ces sons qui naviguent, dans une fausse anarchie, d’une octave à
l’autre pour libérer quelques harmoniques, quelques notes vibrantes. Ces sons
magnifiques essaimés d’un geste retenu pour ne pas les gâcher par l’abondance.
J’évoque ces accords, suspendus et diaphanes, qui fendent
l’espace en rayons obliques. Ces bruits étrangers, de métaux contre les cordes
ou de bois contre le coffre, ce piano vu de haut, envisagé comme un tout.
J’évoque ces conversations, intimes et ouvertes, au long
desquelles deux musiciens font fi de la brillance et lui préfèrent le risque,
débarrassent leurs échanges des matières superflues pour mieux en révéler la
hauteur.
Il y aurait tant à dire mais cela aboutirait à si peu de
vérités… Peut-être faut-il à un moment s’effacer, non par manque d’intérêt,
mais par respect pour une musique, aussi belle qu’exigeante, qui peut s’enorgueillir,
à force de libertés, de ne pas se laisser facilement croquer.
Ces précieux instants musicaux sont présentés dans un écrin
de carton, une pochette avec quatre battants, maintenus par un ruban,
qui renferme le disque et deux feuillets de papier granuleux et odorant. Tout
cela est d’une intrigante beauté.
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