Quentin Biardeau : saxophones tenor et
soprano
Leo Jassef : piano
Théo Lanau : batterie
Leo Jassef : piano
Théo Lanau : batterie
Ce n’est pas qu’à travers une allusion au
surveillant de Petit Nicolas de Sempé, un texte aux lignes de fuites
grammaticales aléatoires ou les dessins naïfs de Serge Delaunay qui ornent la
pochette que le Trio à lunettes, formation du Tricollectif, se laisse aller à
ignorer les sirènes de l’âge adulte et sa prétendue sagesse. C’est aussi par la
fraîcheur (on ne parlera pas de verdeur pour des musiciens si décidés à refuser
toute facilité), la spontanéité de leur musique, qui peut sembler éparpillée à
l’auditeur peu attentif, mais révèle de grandes qualités de mise en place,
d’expressivité personnelle et collective. Cette musique, à défaut d’être libre
(elle s’articule parfois autour de sérieuses contraintes liées à l’écriture),
est avant tout basée sur des élans spontanés, qui défilent le long de morceaux
aux architectures aussi alambiquées que les histoires que se racontent les
enfants.
Cette suite de titres hétérogènes est pourvu
d’une cohérence dont il est ardu de trouver la source. On a l’impression au
début qu’il sera question d’une sorte de poésie mystérieuse née de la
superposition de motifs, puis au terme de plusieurs minutes hypnotiques, les
trois musiciens plongent dans une communication minimale, presque bruitiste.
Ils s’arrêtent parfois de jouer comme un gamin qui passe son tour pour profiter
du spectacle que représente la partie des autres. On les croit partis à fond de
train dans un jeu abstrait, et ils trouvent le moyen de réintroduire de la
stabilité, ce que fait avec beaucoup de finesse Théo Lanau en surimpression
d’un épisode chahuté du piano sur « Dream 500 ». On pense que cette
musique part de peu pour enfler, s’élever… Et c’est un tout autre scénario qui
nous est proposé, comme cette lente plongée vers le silence de
« Sehol ». On les croit calmes, et les voilà qui s’excitent, courent
en tous sens dans un court morceau dont l’énergie est libérée (« Gégène »),
et où Quentin Biardeau joue au sale gosse surdoué qui a tout comprit des
conversations d’adultes (jeu free totalement maîtrisé, avec du fond et tout…).
On pense qu’ils se cantonneront à une musique organique et surgit soudain une
suite d’accords joués sur un petit clavier, avec un son plein, qui glisse sur
l’espace, contrairement aux déferlements d’accords insaisissables
qu’affectionne Léo Jassef. On croit qu’ils se dispersent, mais nous livrent en
ultime pied de nez un titre où ils se montrent tous trois mélodiques et centrés
« Ou mais comment ?!! ».
Durant les soirées tricot à la générale, ils
débarquent en costard avec des chapkas argentées, comme des gamins qui se font
un costume de cosmonaute avec les chaussures de papa et une passoire sur la
tête.
En fait ils ne respectent rien, ceux-là.
Hormis sûrement l’appétit de l’amateur de jazz, qui pourra avec eux partager un
goûter délicieux, sucré-salé-acidulé, en prenant soin de laisser à la porte ses
freins à la fantaisie. C’est cool.
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