Pierre Horckmans : clarinette, clarinette basse
Grégory Sallet : saxophones alto, saxophone soprano
Aurélien Joly : trompette, bugle
Anne Quillier : piano, Fender Rhodes, compositions
Michel Molines : contrebasse
Guillaume Bertrand : batterie
On verra dans les deux dédicataires des premiers morceaux de
Daybreak un presqu’indice sur la teneur du disque. Ces deux personnes sont Manu
Larcenet et Vijay Iyer. Pas grand-chose à voir à priori, pourtant l’écoute du
sextet d’Anne Quillier apporte une logique certaine, puisque sa musique est
tout à la fois pourvue (tour de force), de la rigueur mathématique du pianiste
et de la fantaisie de l’auteur dessinateur, qui s’ombre parfois d’épisodes où
prévaut le sentiment. J’arrête là mon analyse par trop réductrice et
approximative.
S’il faut décrire la musique d’Anne Quillier, disons qu’elle
parvient à combiner des caractéristiques qui souvent se mélangent à la manière
de l’eau et de l’huile. Il y a ici un travail rigoureux sur l’architecture
rythmique, avec beaucoup de breaks, de décalages, de suspensions. Plutôt que de
s’enfermer dans cette approche saccadée, la pianiste a eu le bon goût d’écrire
des thèmes très mélodiques, que la composition de la section de vents permet
d’harmoniser de façon singulière (l’ambre du cuivre, le mat du bois), ce qui
apporte invariablement chaleur et souffle épique. Autre caractéristique
notable : la musique circule, il y a beaucoup d’interactions, le jeu est
souple, inspiré, chargé d’émotions. Ajoutons à cela des interventions personnelles
qui, pour chaque membre du groupe, passionnent parce qu’elles sont interprétées
avec abnégation, les musiciens s’appliquant à enrichir le propos collectif plus
qu’à faire étal d’une technique par ailleurs irréprochable (Je fais l’économie
d’une recension des solos de chacun, mais le cœur y est, vraiment – retenez les
noms).
Le sextet est issu de la pépinière du collectif PinceOreilles, et ses membres jouent ensemble dans différentes
formations/combinaisons, ce qui peut expliquer leur capacité à se trouver
facilement et à faire preuve de cohésion, parfois dans des espaces étroits ou
des situations de jeu complexes. L’écriture d’Anne Quillier gomme les
frontières entre la rythmique (dans laquelle on l’inclura car elle positionne
son piano en colonne vertébrale des compositions, réservant à ses solos une
concision qui n’en voile pas l’éclat) et les instruments à vents. Ces derniers
ne fonctionnent pas qu’en section, et s’échappent pour venir s’accoler de temps
à autres à la contrebasse ou au piano. Ces points de rencontres, tout comme les
différents systèmes de contrechants qui impliquent tout le monde, favorisent l’évolution
des morceaux, souvent « à tiroirs ».
Cette complexité n’impacte qu’eux, à propos. Nous autres,
auditeurs, ne la percevons que par la quantité d’évènements, de phases, qui
maintiennent notre attention, nous apportent de la diversité, des surprises, de
la fraîcheur. C’est chantant, entraînant, imprévisible, ça tourne, ça pulse. Le
parti-pris est de jouer à parts égales en angularité et en rondeur, en
préservant quel que soit l’équilibre choisi le groove et la motricité. Ce beau disque
est disponible, notamment ici, depuis le début de l’année. Si ce n’est déjà
fait, les beaux jours me semblent être une période idéale pour s’y abandonner.
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