Henri Roger : piano
Benjamin Duboc : contrebasse
Didier Lasserre : caisse claire et cymbales
Difficile d’évaluer l’impact d’un nom d’album ou d’un titre
de morceau sur notre perception de la musique. Nécessairement cela oriente
notre imaginaire, influe sur notre analyse. On voit des rapprochements, on se
sent érudit de trouver autant de passerelles entre les notes et les mots.
Parfois à tort, parfois de traviole. Mais une fois encore j’enfonce une porte
ouverte, pour le plaisir de garder l’épaule en avant, pour ne pas perdre mon
élan…
Parole plongée. La conversation, les fonds marins. Le titre
du premier morceau, « Sables », m’encourage à y croire, tout comme le
jeu du trio, très axé sur l’échange, la phrase. Alors c’est parti, va pour la
discussion qui nous emmène loin, va pour une immersion dans un univers poétique
où chacun participe à la création du décor, souvent par le détail. Après tout
la ballade subaquatique serait moins belle sans petites bulles et reflets
discrets. Henri Roger est dans son élément. Ces derniers temps, il a à
plusieurs reprises fait allusion à l’eau, notamment dans ses propositions en
solo (Exsurgences, Sunbathing Underwater…). Flottements et jaillissements,
évolution lente prenant en compte la hauteur, jaysers, progressions
silencieuses, tumultes. Comme tout liquide, le jeu du pianiste tient compte des
obstacles. En les contournant il les épouse. Et se coule dans les silences
préservés par Benjamin Duboc et Didier Lasserre, économes et soigneux.
Le liquide n’est pas seulement translucide. Il y a
« Thé ou café ? », un morceau dense et nerveux où le jeu se
durcit un peu. Mais sur la grande majorité du disque, c’est une musique apaisée
et organique qui nous est offerte. La contrebasse est jouée aux doigts, les
mains du pianiste restent sur le clavier, le set de batterie est comme d’usage
très restreint, et exploité avec goût et sensibilité. Tout est fait pour rester
centré sur l’échange, pour que ce soit simple. D’où ce sentiment d’évidence, de
clarté. On ne cherche pas ici la distorsion du son, les phénomènes d’ondes
croisées. Sous l’eau, la lumière et les sons cheminent doucement. Entre les
musiciens, l’échange est constant, et si tous trois concourent à part égale à
la beauté de l’ensemble, il apparaît que l’organisation naturelle de leur
improvisation veuille que la contrebasse prenne en charge la dimension
mélodique (en plus du support qui lui incombe), que le piano s’épanouisse dans
la créations de couleurs et que la caisse claire et les cymbales apportent, le
cas échéant, tension ou apaisement.
La musique de ce disque « à taille humaine » est
aussi sensuelle qu’aventureuse. S’y plonger est un délice. Pour ce faire,
rendez-vous ici !
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