17 mars 2016

Guillaume De Chassy, Christophe Marguet et Andy Sheppard (avec Kristin Scott-Thomas) – Shakespeare Songs





Andy Sheppard : saxophones ténor et soprano
Guillaume De Chassy : piano
Christophe Marguet : batterie
+ Kristin Scott-Thomas : récitante



William Shakespeare.

Nom que l’on accole au mot « langue » pour souligner la noblesse de l’anglais comme nous le faisons ici avec Molière. Chez lui, la mise en place de situations dramatiques et la description des états des personnages qui les vivent passent par une écriture complexe, raffinée, imagée. Une matière première idéale en somme pour des musiciens qui s’évertuent à fuir les facilités pour mieux laisser la possibilité aux émotions de se décliner en subtiles nuances…

Parmi les circonstances qui ont permis l’élaboration de ce répertoire, il y a tout d’abord l’envie de Guillaume De Chassy et Christophe Marguet de faire quelque chose ensemble, de prolonger un plaisir partagé lors de rencontres informelles par l’écriture de compositions, que les deux musiciens se partagent à l’exception du morceau d’ouverture qui est un arrangement d’une chanson traditionnelle française du XVIIeme siècle. Il y a aussi des affinités communes avec l’œuvre de Shakespeare, bien sûr. Vint ensuite le souhait de convier le saxophoniste britannique Andy Sheppard, dont l’élégance musicale répond aux exigences esthétiques de la musique proposée comme des textes évoqués. Enfin, afin d’incarner les textes retenus, les regards se sont portés sur Kristin Scott-Thomas. Les interventions de l’actrice, majoritairement placées au début des morceaux tandis qu’arrivent à pas de loups les instruments, servent aussi bien les textes que la musique tant elle leur donne vie et tant elle sait jouer de sa voix, en véritable actrice-musicienne. La musique devient une suite logique de ses interprétations. Mots et notes cohabitent naturellement, tant dans le rythme que dans l’intention.

Il se dégage sur presque tous les extraits tirés d’œuvres célèbres une profonde gravité que la musique reflète par un lyrisme tendu. On retrouve bien entendu l’identité des deux compositeurs sur les morceaux qu’ils signent respectivement, mais il est évident que le rôle de chaque instrument dans l’illustration d’un état, d’un tourment ou d’une situation est l’aboutissement d’une réflexion collective. C’est tout particulièrement patent lorsque sont évoqués les épisodes tourmentés durant lesquels des émotions contraires entre en collision chez les personnages. Le trio dresse à travers ses interprétations des portraits profonds. Sur « Othello’s Tears » est évoqué le passage où Othello, par jalousie,  tue sa femme tout en lui déclarant son amour, conscient de le faire pour la dernière fois. Le piano et le saxophone expriment la passion tandis que la batterie martiale de Christophe Marguet évoque l’inéluctable acte de violence. On entend presque la vie quitter Desdemona à mesure que le morceau s’intensifie sous les accords cubistes de Guillaume De Chassy, drame culminant dans un dépouillement final en forme de vertige. Un contraste aussi puissant anime « Perdita », où le saxophone ténor d’Andy Sheppard dépeint le grand chagrin de Leontes, qui s’apprête à abandonner sa fille, tandis que du piano émane l’amère impétuosité de sa décision. On croise Juliette, confrontée à son inextricable paradoxe amoureux, Hamlet qui rumine sa rage sous les traits d’un jeu collectif chahuté par les courbes de la composition qui le porte. Il y a ces histoires de vengeance, ces excès. Ces conflits, ces combats, ces passions. Toutes situations qui offrent au trio de magnifiques occasions de développer son jeu, de manière aussi subtile qu’engagée.

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