Andy
Sheppard : saxophones ténor et soprano
Guillaume De Chassy : piano
Christophe Marguet : batterie
+ Kristin Scott-Thomas : récitante
Guillaume De Chassy : piano
Christophe Marguet : batterie
+ Kristin Scott-Thomas : récitante
William Shakespeare.
Nom que l’on accole au mot « langue » pour
souligner la noblesse de l’anglais comme nous le faisons ici avec Molière. Chez
lui, la mise en place de situations dramatiques et la description des états des
personnages qui les vivent passent par une écriture complexe, raffinée, imagée.
Une matière première idéale en somme pour des musiciens qui s’évertuent à fuir
les facilités pour mieux laisser la possibilité aux émotions de se décliner en
subtiles nuances…
Parmi les circonstances qui ont permis l’élaboration de ce
répertoire, il y a tout d’abord l’envie de Guillaume De Chassy et Christophe
Marguet de faire quelque chose ensemble, de prolonger un plaisir partagé lors
de rencontres informelles par l’écriture de compositions, que les deux
musiciens se partagent à l’exception du morceau d’ouverture qui est un
arrangement d’une chanson traditionnelle française du XVIIeme siècle. Il y a
aussi des affinités communes avec l’œuvre de Shakespeare, bien sûr. Vint
ensuite le souhait de convier le saxophoniste britannique Andy Sheppard, dont
l’élégance musicale répond aux exigences esthétiques de la musique proposée
comme des textes évoqués. Enfin, afin d’incarner les textes retenus, les
regards se sont portés sur Kristin Scott-Thomas. Les interventions de
l’actrice, majoritairement placées au début des morceaux tandis qu’arrivent à
pas de loups les instruments, servent aussi bien les textes que la musique tant
elle leur donne vie et tant elle sait jouer de sa voix, en véritable actrice-musicienne. La musique devient une suite logique
de ses interprétations. Mots et notes cohabitent naturellement,
tant dans le rythme que dans l’intention.
Il se dégage sur presque tous les extraits tirés d’œuvres
célèbres une profonde gravité que la musique reflète par un lyrisme tendu. On
retrouve bien entendu l’identité des deux compositeurs sur les morceaux qu’ils signent
respectivement, mais il est évident que le rôle de chaque instrument dans l’illustration
d’un état, d’un tourment ou d’une situation est l’aboutissement d’une réflexion
collective. C’est tout particulièrement patent lorsque sont évoqués les
épisodes tourmentés durant lesquels des émotions contraires entre en collision
chez les personnages. Le trio dresse à travers ses interprétations des portraits
profonds. Sur « Othello’s Tears » est évoqué le passage où Othello,
par jalousie, tue sa femme tout en lui déclarant
son amour, conscient de le faire pour la dernière fois. Le piano et le
saxophone expriment la passion tandis que la batterie martiale de Christophe
Marguet évoque l’inéluctable acte de violence. On entend presque la vie quitter
Desdemona à mesure que le morceau s’intensifie sous les accords cubistes de
Guillaume De Chassy, drame culminant dans un dépouillement final en forme de
vertige. Un contraste aussi puissant anime « Perdita », où le
saxophone ténor d’Andy Sheppard dépeint le grand chagrin de Leontes, qui s’apprête
à abandonner sa fille, tandis que du piano émane l’amère impétuosité de sa
décision. On croise Juliette, confrontée à son inextricable paradoxe amoureux,
Hamlet qui rumine sa rage sous les traits d’un jeu collectif chahuté par les
courbes de la composition qui le porte. Il y a ces histoires de vengeance, ces
excès. Ces conflits, ces combats, ces passions. Toutes situations qui offrent
au trio de magnifiques occasions de développer son jeu, de manière aussi
subtile qu’engagée.
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