06 avril 2016

ImuZZic Grand(s) Ensemble - Over The Hills







Antoine Läng : voix et effets
Olivier Thémines : clarinettes
Jean Aussanaire : saxophone
Rémi Gaudillat : trompette et bugle
Fred Roudet : trompette et bugle
Alain Blesing : guitare
Perrine Mansuy : piano
Bernard Santacruz : contrebasse
Bruno Tocanne : batterie


L’ImuZZic grand(s) Ensemble est un nonet. Ce n’est pas si grand que ça, un nonet.

Du moins, en comparaison de l’équipe particulièrement étendue réunie par Carla Bley pour enregistrer, entre 1968 et 1971, ce chef d’œuvre historique qu’est Escalator Over The Hill, cela ressemblerait presque à un orchestre de poche. C’est donc en petit comité, dirons-nous, que sont reprises les compositions de l’œuvre originale. Enfin, pas toutes. Et il n’y a qu’un chanteur.

Comme si, face à la grandiloquence de l’original, Bruno Tocanne et Bernard Santacruz avaient voulu proposer une réappropriation humble, à taille humaine. Le groupe fonctionne souvent comme une petite formation augmentée de textures cuivrées, ce qui renforce le sentiment de « réduction ». Une approche qui semble d’ailleurs être la seule viable, toute tentative de rivaliser avec la luxuriance initiale se serait probablement soldé par une faute de goût. C’est donc sur un autre registre que sont envisagées les partitions, avec visiblement trois préoccupations centrales : l’appropriation du matériau originel, l’exploitation optimale des ressources du groupe en matière d’alliage de timbres, et l’aménagement des structures pour ouvrir des espaces aux musiciens et donc leur permettre de colorer les interprétations, en marge d’un travail d’arrangement qui ramène déjà l’œuvre aux musiciens qui l’interprètent.

Ce projet, initié par Bruno Tocanne et Bernard Santacruz et arrangé par Rémi Gaudillat et Alain Blessing, montre en outre à quel point le rassemblement de ces musiciens passionnants sous la bannière du réseau ImuZZIc donne lieu à un élan collectif. Tout ici le montre avec flamboyance : la cohésion du son d’ensemble, la manière de développer les morceaux, le placement des solistes et l’incidence de leurs parties improvisées sur la couleur de la musique, ou encore la somme de subtiles interactions qui préservent le mouvement du socle rythmique comme des instruments à vent ou de la voix et des effets d’Antoine Lang. Tout concours à ce que les écoutes multipliées se suivent sans se ressembler. Le disque est en soi passionnant, passionné. Fougueux, fiévreux. Mais à l’instar de l’œuvre dont l’ImuZZic Grand(s) Ensemble livre une lecture qui fait sens, il constitue également une source importante d’exploration auditive. On y revient, le redécouvre. On se fixe sur une ligne de fuite ignorée jusqu’alors. Le mélomane jusque-boutiste pourra en outre faire des va et viens entre cette interprétation et l’originale, pour découvrir combien la fantaisie n’aura pas été écartée au profit de quelque révérence déplacée. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter « Oh Say Can You Do ? », initialement une miniature jouée ici de manière étendue selon un schéma narratif totalement nouveau. Si ce titre est méconnaissable, on retrouve, familières et redessinées, les mélodies et chansons fortes que sont, entre autres, l’ "Ouverture", le thème « EOTH » ou encore « Holiday In Risk ».

Ce programme est un ravissement. Et l’énergie (à laquelle l’extravagant chanteur Antoine Läng que je découvre ici n’est pas étranger) n’est pas la moindre qualité de cet enregistrement, qui met en valeur le travail minutieux du groupe comme sa capacité à affirmer une esthétique singulière. Comme s’il avait été décidé de mettre un peu d’ordre dans le grand bazar génial de Carla Bley et Paul Haines, pour ne conserver qu’une subjective sélection de pièces auxquelles profite la place ainsi libérée.

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