Géraldine Keller : voix
Daniel Erdmann : saxophones ténor et soprano
François Corneloup : saxophones baryton et soprano
Philippe Deschepper : guitare
Claude Tchamitchian : contrebasse, composition
Christophe Marguet : batterie
Daniel Erdmann : saxophones ténor et soprano
François Corneloup : saxophones baryton et soprano
Philippe Deschepper : guitare
Claude Tchamitchian : contrebasse, composition
Christophe Marguet : batterie
Le chant de la contrebasse de Claude Tchamitchian n’est
jamais dépourvu de tristesse. C’est cette noirceur profonde, enfouie parfois,
que délivrent ses traits d’archet d’une troublante beauté. Par extension, sa
musique arbore des teintes chaudes et sombres, véhicule une intense sensibilité
y compris quand son énergie n’est pas retenue. Un mélange de force et de
fragilité qui donne à Traces, une évocation musicale du génocide
Arménien, la puissance dramatique que le sujet requiert. Pour autant, les
compositions ne se contentent pas d’illustrer de quelque manière que ce soit l’atrocité
des événements centenaires. Elles soulignent également, par un lyrisme certes
tendu mais toujours empreint de cette lumière que révèlent l’espoir et la foi,
le feu qui anime le peuple persécuté, son impétuosité. Soit une fresque
musicale magnifique et touchante durant laquelle l’extermination programmée
d’un peuple entier est relatée selon des points de vue différents, le verbe
tenant dans ces choix narratifs une place prépondérante.
Les Traces auxquelles l’album font référence peuvent aussi
bien être celle d’un tel évènement sur l’histoire, que celles que la musique
arménienne a laissées dans le jeu du contrebassiste, ou encore celles, marquées
au sol, du peuple en exode. Sur ce dernier aspect, les textes de Krikor
Beledian (issus de l’ouvrage Seuils) retenus pour être
récités/interprétés/chantés par Géraldine Keller servent idéalement le propos,
petites tranches de (sur)vie bouleversantes où l’on perçoit les rapports
paradoxaux du pas décidé et des pieds souffrant, de la droiture et des épaules
courbées, de la volonté farouche et de la désillusion, de la clairvoyance et de
l’incompréhension. La chanteuse, qui habite ces textes difficiles, est
magnifique. Tout comme la musique qui en est à la fois le support et la
continuité.
Sur des compositions superbes du contrebassiste, le sextet
se déploie, majestueux. Daniel Erdmann et François Corneloup y imposent leur
complémentarité, en termes de son, de placement ou de construction de leurs
interventions. A l’occasion leurs saxophones soprano se retrouvent à voleter tout
contre le chant de Géraldine Keller, dans une passe à trois aux lignes
mélodiques labyrinthiques. Tous deux, à leur manière participent à l’équilibre
du groupe comme à son envergure expressive. Philippe Deschepper nourrit de sa
guitare si identifiable l’harmonie, et apporte une dimension supplémentaire à
la superposition de strates, pour souligner parcimonieusement mais de façon
décisive la solennité de la musique ou l’asthénie du peuple. Christophe Marguet
et Claude Tchamitchian, dont la capacité à construire ensemble un socle
rythmique très ouvert et mouvant a déjà fait ses preuves, entretiennent un
effort pulsatile qu’ils lient à une conversation engagée avec le reste du
groupe, faisant émerger du cœur du sextet une force intangible et une poésie
palpable. La voix est à la fois dedans et dehors. Au milieu du reste, mais au-dessus
aussi. Mots et notes tournoient, s’alternent et se mêlent. La complexité des
pièces, comme une dramatique marche forcée semée d’embuches, de doutes et de
petites victoires, n’efface aucunement la simplicité de ce qui pousse le fuyant
à rechercher un ailleurs. L’amour de la vie. Lui ne se traque pas.
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