Lucia Recio : voix
Elodie Pasquier : clarinette et clarinette basse
Rémi Gaudillat : trompette et bugle
Bernard Santacruz : contrebasse
Bruno Tocanne : batterie
Elodie Pasquier : clarinette et clarinette basse
Rémi Gaudillat : trompette et bugle
Bernard Santacruz : contrebasse
Bruno Tocanne : batterie
Chanter pour se donner du cœur à la lutte. Chanter pour ne
pas se taire, jamais.
Chanter, écrire, jouer, décrire, déjouer.
Il y a là une préoccupation qui est au centre du propos du
collectif ImuZZic, dont Rémi Gaudillat et Bruno Tocanne sont deux piliers. La
musique qu’ils proposent sur Canto de
multitudes renvoie immédiatement à d’autres chants où transpire la
nécessité du combat, comme « L’armée des poètes » sur Le chant des possibles ou « Le
chant des Canuts » sur Libre(s)Ensemble. Le trompettiste et le batteur s’inscrivent avec ce nouveau
répertoire dans la continuité logique de leurs précédents efforts, et il paraît
naturel qu’ils décident, aux côtés de Lucia Recio, Elodie Pasquier et Bernard
Santacruz, d’exploiter le Canto General
de Pablo Neruda, volumineux recueil de poèmes écrits dans la clandestinité
durant son exil précipité par une dénonciation des exactions du dictateur
Gonzàlez Videla devant le Sénat Chilien.
De ce recueil ont été tirés quelques textes, traduits en
français malgré de nombreux mots et passages restitués en espagnol. Ces textes,
puissamment imagés et émouvants, sont intégrés à la musique du quintet de
différentes manières. C’est la récitante / chanteuse Lucia Recio qui a charge
de les faire vivre à travers la musique du quintet, ce qu’elle fait de la plus
belle manière qui soit, en trouvant un juste équilibre entre le respect des
textes originaux et leur appropriation, par un étonnant et sans cesse renouvelé
travail sur la forme. Les textes en question sont déclamés, chantés, susurrés.
Mais vécus, à chaque fois. Elle les
habite et trouve nombre d’angles inattendus pour les corréler aux compositions
sublimes du trompettiste, imprimant à cette matière littéraire une profonde
musicalité.
Le fait que les textes prennent une part importante dans l’expression
collective centre le propos sur la poésie de l’auteur chilien et sur son
message, plus ou moins explicite selon les passages choisis. Pour autant, il n’y
a pas un instant, pas une mesure, qui ne soit inondée de musique. Les thèmes,
collection d’hymnes où s’étreignent blues et influences hispanisantes, chanson
et musiques libres, sont tous d’une beauté déconcertante. Mieux
encore, ils représentent, au-delà de leur esthétique propre, de fantastiques
sources d’inspiration pour les musiciens. Tous les cinq s’en emparent et les
subliment au long de parties qui laissent une large place à la spontanéité. Et
s’il convient de souligner l’élégance audacieuse dont chacun fait preuve, c’est
avant tout l’élan collectif qui nous amène à parcourir, encore et encore, les
moindres recoins de ces pièces dont la profondeur semble insondable. On y perçoit
aussi bien la complainte que la défiance, et il se dégage de ce disque un
lyrisme vacillant entre des émotions sombres ou totalement positives qui se
complètent naturellement puisqu’on parle ici de notre capacité à nous relever,
pour avancer. Ce qui implique paradoxalement l’acceptation et le rejet, le
deuil et l’espoir.
Tout cela éclate dans cette musique de révolte, où l’âpreté
côtoie le velours, où les voix s’organisent en rangs serrés puis goûtent leur
liberté. Ensemble, pour les autres. Manière de mettre en musique ce qu’écrivit
Neruda :
« Qu'aucun de vous ne pense à moi.
Pensons plutôt à toute la terre,
frappons amoureusement sur la table.
Je ne veux pas revoir le sang
imbiber le pain, les haricots noirs,
la musique: je veux que viennent
avec moi le mineur, la fillette,
l'avocat, le marin
et le fabricant de poupées,
Que nous allions au cinéma,
que nous sortions
boire le plus rouge des vins. »
Pensons plutôt à toute la terre,
frappons amoureusement sur la table.
Je ne veux pas revoir le sang
imbiber le pain, les haricots noirs,
la musique: je veux que viennent
avec moi le mineur, la fillette,
l'avocat, le marin
et le fabricant de poupées,
Que nous allions au cinéma,
que nous sortions
boire le plus rouge des vins. »
Paru sur l’excellent Petit Label et orné d’un superbe visuel,
Canto de Multitudes est un disque poignant, une déclaration de guerre à la bêtise
qui, malheureusement, gagne ces temps-ci de nombreuses batailles. C’est aussi,
l’interprétation simple et rayonnante de la chanson « Patria de multitude »
signée par Eduardo Carasco qui conclut l’album nous laisse sur cette certitude,
une déclaration d’amour à ce qu’il nous appartient de devenir.
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