Marc Ducret : guitare
Bruno Chevillon : contrebasse
Eric Echampard : batterie
+ Christophe Monniot : saxophone alto
Fabrice Martinez : trompette et bugle
Samuel Blaser : trombone
Bruno Chevillon : contrebasse
Eric Echampard : batterie
+ Christophe Monniot : saxophone alto
Fabrice Martinez : trompette et bugle
Samuel Blaser : trombone
Marc Ducret est tout autant un guitariste incandescent qu’un
architecte subtil. Selon ses projets, il peut à l’envi effacer ses ardeurs où
les cultiver, se fondre dans le collectif ou mettre en avant ses jets de feu,
privilégier l’écriture où la spontanéité. Evidemment, c’est souvent un peu de
tout cela, précautionneusement agencé pour servir un propos toujours d’une
remarquable intelligence. En témoignent, pour ne parler que de réalisations
récentes, les différents volets de la fantastique série Tower ainsi que leur
aboutissement live Tower-Bridge, disques toujours disponibles chez Ayler
Records et hautement recommandés. Le guitariste y avait agencé des morceaux,
interprétés par différentes formations selon les épisodes, basés sur des situations
ou personnages issus de Ada ou l’ardeur, et écrits dans le respect des procédés
narratifs utilisés par Vladimir Nabokov dans son ouvrage. Une véritable somme,
passionnante, redoutable de précision et d’originalité.
Après cette entreprise colossale, Métatonal apparaît comme
un retour à une formule plus propice au lâché prise. S’il est évident, et peu
surprenant, que la recherche formelle a une fois de plus été poussée loin, il
faut quand même dire que ce sextet joue magnifiquement la carte de l’explosion,
comme quelque supernova illuminant l’espace de sa lumière crue. Au centre du
dispositif, il y a bien sûr le trio « historique » du guitariste, où
Bruno Chevillon et Eric Echampard entretiennent un dialogue rythmique hallucinant
(et ceci est tout particulièrement révélé par l’expérience live, qu’il faut
vivre), mêlant sans concessions la hargne du rock, le groove et l’ouverture du
jazz. C’est-à-dire, pour sortir du lieu commun, que tous deux parviennent à
amener de la sophistication au sein d’une expression lisible et portée sur
l’énergie. Les décalages, écarts, mises en suspend ou en tension, tout est
imaginé conjointement dans l’instant. Cela constitue un canevas idéal pour le
jeu de Ducret, véloce et aventureux. Qu’il travaille la matière comme la
distorsion du riff qu’il « emprunte » aux instruments à vents sur
« Inflammable » où qu’il se concentre sur le phrasé, comme sur le
blues futuriste et métallique qui constitue la seconde partie de
« Dialectes », son jeu est autant éruptif que cérébral. Il faut
entendre avec quelle verve le trio atteint des sommets d’intensité sur ce même
morceau, emmené dans la montée vertigineuse d’une batterie impériale, comment
le trio joue de manière compacte sur « Kumiho » où sur la seconde
moitié de l’ultime « Porteurs de lanternes ». Mais il faut aussi retenir
sa capacité à réfréner ses ardeurs pour développer des phases de jeux plus
aérées. En ces moments s’expriment sur un autre mode la capacité d’écoute et la
créativité des musiciens.
Sur la majorité de l’album, le trio devient sextet en
accueillant (s’il vous plaît) Christophe Monniot, complice de longue date du
guitariste, Fabrice Martinez et Samuel Blaser. L’occasion pour Ducret
l’architecte de mettre en place des motifs disposés avec précision
(« Inflammable »), de travailler sur la couleur d’ensemble, et pour Ducret l’improvisateur de créer des
situations de jeu qui profitent autant à l’instrument soliste qu’au reste du
groupe. Ainsi, sur « Kumiho », le trio offre à Fabrice Martinez un
passage éthéré que ce dernier survole de son bugle rêveur. Un peu plus loin,
sur le même morceau mais dans une phase beaucoup plus incisive, c’est
Christophe Monniot qui s’échappe, avec le guitariste sur les talons. Tous deux
virevoltent au long d’un « double solo » où le guitariste investit
les espaces laissés par le saxophone fougueux, pour mieux l’exhorter à
l’emportement.
Toutes les compositions se décomposent en parties plus ou
moins fiévreuses qui ont en commun de faire la part belle au jouage et à
l’interaction. Ce choix d’une musique libérée, instinctive, est renforcé par
une longue pièce, « 64 » ou deux compositions de Bob Dylan sont
interprétées. « The Times They Are Changin’ » et « Wigwam »,
font partie des musiques qui ont marqué la jeunesse de Ducret. Qu’il en propose
une relecture en forme d’explosion de joie montre combien il a cherché à
trouver le plus court chemin entre ses tripes et ses cordes. Cela transpire tout au long du disque, à
mesure égale d’un raffinement dont cette musique ne se départit pas.
Courez voir cette formation en concert, c’est absolument
renversant. Le sextet passe au Triton le Samedi 13 février, avec Rémi Sciuto au
saxophone. Et pour le disque, hop !
Ca se passe chez Ayler !
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